Les réformes forestières instaurées depuis 20 ans par les pays d’Afrique centrale s’avèrent être innovantes du fait de la décentralisation de la gestion des revenus forestiers.
Un parc de billes de bois chargés dans la petite ville de Nkoteng, située à plus de 120 km de Yaoundé, avant son transport vers le port de Douala pour exportation. (FRANÇOIS ESSOMBA)
Face à l’échec des politiques centralisées de gestion des forêts à générer le bien-être des habitants des forêts, un nouveau paradigme, basé sur le transfert de certains pouvoirs aux collectivités territoriales décentralisées et aux communautés villageoises riveraines des forêts s’est imposé peu à peu. Il a été intégré dans les nouvelles politiques et législations forestières d’Afrique centrale. L’affectation locale d’une partie des revenus financiers issus de l’exploitation forestière et faunique relève de ce paradigme. Cette nouvelle approche visait à faire des ressources forestières un facteur de développement local, de lutte contre la pauvreté et d’amélioration des conditions générales de vie des populations forestières.
Pour y arriver, les pays ont mis en place des instruments de répartition des bénéfices financiers de la gestion des ressources forestières qui ont été concrétisés ou vont l’être, de manière à rationaliser la valorisation économique des forêts et à favoriser les retombées au profit des populations locales. La mise en œuvre de ces instruments devient progressivement effective et produit des résultats indéniables en termes de programmes de développement collectifs et de réalisation d’infrastructures socio-économiques. Les impacts de ces nouvelles politiques auraient pu être considérables si ces processus ne faisaient pas face à une diversité de problèmes de gouvernance dont les plus importants sont liés à la reproduction locale du modèle rentier de l’État central, au faible ancrage de l’État de droit, aux logiques de prédation, de clientélisme et au déficit des dispositifs de reddition des comptes des détenteurs des pouvoirs en matière de gestion des revenus forestiers locaux.
Gestion des forêts tropicales
Un grumier sortant des forêts de l’est du Cameroun en partance vers le port de Douala pour exportation. (FRANÇOIS ESSOMBA)
Les forêts denses d’Afrique centrale de la Zone du Bassin du Congo (deuxième réserve forestière au monde) constituent un enjeu écologique qui s’internationalise. Ainsi, le secteur forestier suscite convoitises industrielles et passions des organisations de défense de l’environnement. De ce fait, il revient à chacun des pays forestiers d’Afrique centrale (Cameroun, Centrafrique, République du Congo, Gabon, République démocratique du Congo) d’établir des dispositifs de gestion rationnelle afin que les dividendes puissent contribuer au développement dans les zones exploitées et profiter aux communautés villageoises.
Pour le moment, le compte est loin d’être atteint : le Cameroun et le Gabon sont les seuls pays dont les revenus issus de l’exploitation forestière sont réellement reversés aux communautés villageoises, avec cependant une attention plus particulière portée sur le Cameroun, pays considéré comme « laboratoire » en matière de réformes en Afrique centrale. Les autres pays de la sous-région utilisent encore des dispositifs formels de gestion de ces revenus.
Pour mieux comprendre comment s’opère le partage de la redevance et de la taxe forestière au Cameroun et en Afrique centrale, CHINAFRIQUE a rencontré Romuald Ngono, juriste-chercheur au Centre pour l’environnement et le développement, ONG basée à Yaoundé, au Cameroun. « La fiscalité joue un rôle important en matière de gestion de l’environnement. Elle peut servir de catalyseur aux investissements. Dans ce sens, cela va inciter à exploiter les ressources naturelles, le but ici étant d’attirer le maximum d’investisseurs et d’augmenter les recettes de l’État. La fiscalité peut également jouer un rôle contraire. Lorsqu’elle est trop élevée, elle peut décourager les investissements et ainsi limiter l’exploitation des ressources naturelles. Dans les deux cas, on se rend compte que la fiscalité est importante pour la gestion de l’environnement. Elle dépend donc de l’orientation économique et politique que se donne le pays concerné. Au Cameroun comme dans la plupart des pays d’Afrique centrale, la fiscalité joue un rôle incitatif. La plupart de ces pays ont misé sur l’exploitation de leurs ressources naturelles pour atteindre leur objectif d’émergence », indique-t-il.
Système de partage des redevances forestières
Les méfaits de l’exploitation forestière : les engins endommagent la chaussée. Le paiement de taxes aux exploitants forestiers est une compensation aux dégâts causés. (FRANÇOIS ESSOMBA)
Les redevances forestières sont des outils de collecte de la rente forestière, des contreparties de l’usage marchand des ressources forestières. Les taxes forestières, quant à elles, sont considérées comme des instruments d’orientation des pratiques d’exploitation et de gestion des ressources forestières tout au long de la filière. Au Cameroun, les redevances annuelles ou redevances de superficie constituent l’instrument majeur de la fiscalité forestière décentralisée. En ce qui concerne le Cameroun, elles ont été instituées par la Loi forestière de 1994 et reprises depuis lors par les différentes lois des finances. Cette loi stipule en effet qu’en vue du développement des communautés villageoises riveraines de certaines forêts du domaine national mises en exploitation, une partie des revenus tirés de la vente des produits forestiers doit être reversée au profit des communautés concernées.
Pour illustrer le cas du Cameroun, M. Ngono a dévoilé à CHINAFRIQUE le tableau de partage de la redevance forestière : « Il est important de souligner que la redevance forestière fait partie de la fiscalité sur les activités forestières. La redevance forestière annuelle fait l’objet de l’article 66 de la Loi du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche. Le montant de la redevance s’appuie sur la superficie de l’exploitation forestière. En tant qu’impôt, elle est collectée par l’État et redistribuée selon une grille de répartition, qui est fixée comme suit : 50 % pour l’État, 20,25 % pour les communes du site de l’exploitation forestière, 18 % pour le Fonds spécial d’équipement et d’intervention intercommunale, 6,75 % pour les projets de développement portés par les populations riveraines et 5 % pour l’appui au recouvrement. »
Redevance forestière versus taxe forestière
Une piste rurale (forêts du sud du Cameroun) est en construction. Les fonds sont issus de la redevance forestière. (FRANÇOIS ESSOMBA)
Selon M. Ngono, il existe plusieurs taxes dites forestières. On peut citer la taxe d’abattage, la surtaxe à l’exportation, la taxe d’entrée à l’usine et la taxe de transfert. La différence fondamentale entre ces taxes et la redevance réside dans le fait que la redevance est prélevée par rapport à la surface alors que le montant des taxes dépend des volumes et du type d’essence (première et deuxième catégorie) de grumes abattues ou exportées. D’après ses recherches en la matière, la redevance forestière obéit au principe de l’unicité des caisses, ce qui signifie que l’argent de la redevance, concernant l’État et les communes, rentre comme recette dans leur budget global. La question fondamentale que l’on peut se poser ici est celle de la gestion des fonds publics qui devrait se faire dans le cadre de l’intérêt général. L’argent de la redevance forestière comme celui des autres impôts sur les ressources naturelles contribuerait significativement au développement du pays.
Reportage du Cameroun
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