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News & Events L’accaparement des terres fertiles continue
L’accaparement des terres fertiles continue
L’accaparement des terres fertiles continue
Terres fertiles.jpg
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Date: 21 décembre 2016


Source: Conso-Globe


Par  Camille Tourneboeuf



Le ‘land grabbing’, ou l’accaparement des terres fertiles, au profit de puissances étrangères, continue de par le monde. Surtout en Afrique.


L’achat ou la location de terres étrangères par les États s’accélère depuis la crise alimentaire de 2008. Alors qu’entre 2000 et 2007, le nombre d’hectares vendus ou loués sont passés de zéro hectare connus à un peu moins de 2.500.000 km², le nombre a quasiment été multiplié par dix, passant à 23,8 millions d’hectares aujourd’hui, soit un peu plus que la surface de la France.


Les investisseurs d’Europe occidentale sont impliqués dans 315 transactions foncières couvrant une superficie de 7,3 millions d’hectares, ce qui fait de l’Europe occidentale le plus grand accapareur de terres étrangères. La colonisation aurait-elle repris ?


Accaparement des terres : l’Afrique en tête des convoitises


Dans cette course aux terres étrangères, le continent Africain est celui où la superficie de terres passées entre les mains d’États ou d’investisseurs étrangers est le plus important (39,8 %) : 10 millions d’hectares de terre arables pour une superficie totale de 30.415.873 km² soit quasiment un tiers du continent, vient ensuite l’Asie et l’Amérique du Sud.


Le land grabbing pour les nuls


L’accaparement des terres, ou land grabbing en anglais, correspond à la vente ou à la location, entre 30 et 99 ans, de terres arables à grande échelle, en général plusieurs millions d’hectares. Ce phénomène, dont les acteurs majeurs sont l’Europe, l’Amérique du Nord, la Chine et le Moyen-Orient, du côté des investisseurs, vise à assurer à ces pays sécurité alimentaire et accès à l’eau et à l’énergie pour leurs populations.


Un accaparement en nombre de contrats qui tend à se stabiliser


Ce phénomène d’accaparement semble toutefois se stabiliser pour le moment, autour de 23,8 millions d’hectares, avec peu de nouveaux contrats signés entre 20014 et 2016, la montée des prix des denrées agricoles s’étant elle aussi stabilisée, sans pour autant que les prix reviennent à leur valeur d’avant 2008.


Mêmes les vignes françaises


Ces données restent à prendre avec précaution, l’opacité étant de mise dans ces contrats et ceci pour plusieurs raisons :


Dans beaucoup de pays, les paysans occupant ces terres ne possèdent pas de titres de propriété, terres qu’ils cultivent pourtant depuis plusieurs générations.

Les contrats signés ont alors comme conséquence l’expulsion de ces paysans entraînant souvent, et de plus en plus fréquemment, une résistance soutenue par la société civile.


-Réaliser ces accords dans le secret permet de limiter les résistances possibles en amont.

-Dans ce contexte de juxtaposition entre droit coutumier, pratiques communautaires et code foncier national, les élites locales peuvent jouer un rôle considérable et néfaste dans les pratiques d’accaparement de terres à travers par exemple la falsification des titres de propriété et la corruption des administrations locales.

-Par ailleurs, une partie non négligeable des contrats signés transite par des paradis fiscaux, l’achat des terres étant un moyen de blanchir l’argent sale. Dans ce contexte les vignes françaises deviennent ainsi des placements convoités qui obligent l’État français à surveiller les transactions qui s’y opèrent.


Un nouvel eldorado pour les fonds de pension et les investisseurs


Si « la course à la terre » semble s’être atténuée dans les projets portés directement par les États, l’attrait que les terres agricoles représentent pour les acteurs économiques semble quant à lui ne pas se tarir et même augmenter, avec en tête les fonds de pension.


S’appuyant sur un accès à la terre quasiment gratuit dans les pays peu développés et des avantages accordés aux investisseurs, ces nouveaux acteurs investissent dans des productions tournées vers l’exportation, en priorité l’huile de palme.


En avril 2016, 21 % des terres accaparées étaient ainsi exploitées pour une production d’agrocarburants, contre 9 % pour créer une réserve alimentaire. En tête le palmier à huile pour produire de l’huile de palme et le jatropha (44 %), avec comme conséquence, une augmentation importante de la déforestation et de la perte de la biodiversité.


En Indonésie, où le taux de déforestation et la production d’huile de palme sont les plus importants au monde, c‘est l’équivalent d’un stade de foot qui disparaît toutes les 10 secondes au profit de l’expansion des cultures de palmier à huile.


L’Europe, également une cible pour ces nouveaux acteurs


Dans cette volonté d’accès aux terres agricoles par des acteurs financiers, l’Europe est également une cible, avec en tête les pays de l’Europe de l’Est de l’ex-URSS et tout particulièrement l’Ukraine. En effet, 4 millions d’hectares d’anciennes terres appartenant à l’État y sont passées lors de la chute du régime soviétique aux mains de quelques industriels.


Dans cette recherche de placements fructueux, la France est visée, le choix portant en particulier sur les vignes ou les terres céréalières. C’est ainsi qu’un investisseur chinois a récemment acheté 1.700 hectares de terres dans la région du Berry.


L’accaparement des terres, dénoncé mais toujours source d’inquiétudes pour les paysans et les militants des droits de l’Homme


Bien que le phénomène d’accaparement semble ralentir, il ne fait pas moins peser une menace importante sur les paysans. Tout d’abord parce que même si les paysans concernés par une expropriation peuvent gagner le combat de stopper leur expulsion, les contrats sont toujours présents et donnent juridiquement le droit de jouissance aux propriétaires.


Ensuite, parce que la mise à disposition de terres implique également l’utilisation des ressources, dont l’eau, ce qui en limite l’accès pour les paysans locaux. Ce phénomène est d’autant plus source d’inquiétude qu’actuellement aucune institution ne peut être saisie pour constater la violation de la propriété dans le cadre des droits coutumiers, alors que des juges « supranationaux », comme le Centre International de Règlement des Différends Relatifs aux Investissements peut avoir un pouvoir coercitif sur les États et faire valoir les droits de propriétés cadastrales.


S’ajoute à cela que la logique portée dans les politiques de coopération favorise les partenariats public-privés et l’exploitation de terres agricoles par des entreprises étrangères pour répondre à la lutte contre la sous-alimentation. Ainsi, le Ghana devait pour 2015 établir une base de données des terres pouvant convenir aux investisseurs et simplifier pour eux la procédure d’acquisition des terres en mettant en place des modèles d’accords pilotes pour la location de parcelles de 5.000 hectares. Enfin, seule la moitié des terres sous contrat étranger sont actuellement exploitées. Que se passera-t-il lorsque l’ensemble des terres le seront ?


Réchauffement climatique et compensation carbone : nouvelles menaces


Dans ce contexte, le réchauffement climatique ne fait qu’accentuer les inquiétudes quant à la capacité à nourrir les populations locales. Les changements de régime des pluies, de températures et de difficultés d’adaptation des espèces rendent encore plus incertaines les récoltes dans des pays qui n’ont pas encore atteint la souveraineté alimentaire. C’est tout particulièrement le cas des pays africains.


De même, paradoxalement le principe de compensation carbone peut, s’il est mal maîtrisé, contribuer au phénomène d’accaparement des terres. En effet, le principe de compensation entériné par le protocole de Paris permet à des industriels d’investir dans des terres agricoles pour compenser leurs émissions de gaz à effet de serre.