Guerre du Foncier à Léopold Sédar Senghor
Date: 8 avril 2018
Source: Rewmi.com
Menacés d’expulsion, des occupants de la Cité Batterie, sonnent la révolte – Au-delà, les terrains et logements d’une valeur de plusieurs centaines de milliards de francs rétrocédés par la France au Sénégal, aiguisent les appétits
Lundi 12 février 2018. La cité Batterie, plongée dans la quiétude depuis le déménagement des activités de l’aéroport international Léopold Sédar Senghor vers Diass, est perturbée par l’irruption de policiers venus accompagner sur les lieux un huissier. L’auxiliaire de la justice a pour mission d’exécuter une décision d’expulsion à la requête de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et Madagascar (ASECNA) de l’agent des douanes à la retraite Pape Ndiaye Sall. Lequel devait donc être bouté hors du logement administratif qu’il occupe depuis 1986. Le douanier retraité dénie à l’Asecna tout droit réel sur son logement qui lui a été attribué par l’administration des Douanes en juin 1986. La justice, invitée à trancher le dossier, a désavoué dans un premier temps l’Asecna de toutes prétentions sur la Cité Batterie, avant, dans un autre jugement, de donner raison à l’agence régionale. Au-delà, c’est surtout le débat sur les prétentions de l’Asecna sur l’imposant patrimoine immobilier de l’aéroport Léopold Sédar Senghor qui se pose d’autant que l’Agence du patrimoine Bati de l’Etat s’est immixée dans le dossier.
C’est un homme dépité criant à l’injustice qui a frappé aux portes du « Témoin ». L’agent des Douanes à la retraite Pape Ndiaye Sall veut « porter presse » contre la toute-puissante Asecna. Ce faisant, ilsait qu’il mène un combat de David contre Goliath. Mais, pour lui, c’est une questionde principe. « J’irai jusqu’au bout et même jusqu’au président de la République pour dénoncer l’Asecna qui, profitant de l’hospitalité de notre pays, cherche à accaparer tout le patrimoine immobilier de la zone de l’aéroport de Yoff sous prétexte de disposer de droits réelssur la zone depuis1962. Ce qui est faux ! », peste Pape Ndiaye Sall à la retraite depuis 2003. La cité Batterie Asecna située à quelques encablures de l’aéroport de Dakar a toujours servi à l’Administration pour loger au niveau des studios et appartements des agents de la Douane, de la Gendarmerie et de la Police. C’est à ce titre que l’agent des Douanes Pape Ndiaye Sall a reçu affectation d’un logement administratif n* 4 de la commission d’attribution des logements de la Direction générale des Douanes en date du 06 juin 1986.Il a été mis à la retraite d’office en 2003 lors du fameux dossier des 53 gabelous, préposés des Douane (atteints par la limite d’âge de 52 ans). D’ailleurs à l’époque, ces derniers à travers un collectif avaient vivement contesté la légalité de leurs conditions de départ à la retraite. Bref, toujours est-il que malgré sa retraite en 2003, Pape Ndiaye Sall avait gardé son logement de fonction …jusqu’au 27 février 2013. A cette date, il reçoit de l’huissier de justice Oumar Tidiane Diouf agissant au nom de l’Asecna une sommation de déguerpir.
Pape Ndiaye Sall ne s’étant pas exécuté, l’Asecna actionne de nouveau son huissier de justice Oumar Tidiane Diouf. Ce dernier saisit le Président du Tribunal régional Hors Classe de Dakar pour une assignation en référé pour expulsion le 11 mars 2013. Me Oumar Tidiane Diouf dans sa requête invoque le fait qu’ « en vertu de l’Annexe IV de l’Accord domanial du 26 mars 1974 entre l’Etat du Sénégal et la République française, l’Asecna est propriétaire de la Cité Batterie de Yoff. Que le requis occupe le logement n* 4/1 de ladite cité sans justifier d’un droit ou d’un titre. Qu’en effet, le sieur Papa Ndiaye Sall n’est pas un agent de l’ASECNA et ne peut se prévaloir d’aucun droit sur les locaux qu’il occupe présentement ». Le jugé des réfé- rés par ordonnance n*2269 du 08/05/2013 se déclarera incompétent.
La Cour d’Appel confirme le Tribunal régional et déboute l’Asecna l’ASECNA
interjette appel de la décision du juge desréférés du Tribunal régional de Dakar. La Chambre de Procédures accélérées de la Cour d’Appel de Dakar présidée par Mamadou Lamine Diedhiou en son arrêt du 12/03/2014 confirme le juge de référés.
L’ASECNA obtient le soutien de l’ex DG des Douanes…
S’étant heurtée à deux reprises à une fin de non-recevoir de la justice sénégalaise, l’ASECNA ne s’avoue pas vaincue. Son représentant au Sénégal, M. Abdoulaye Diouf, obtient le soutien de l’ex-directeur général des Douanes, M. Papa Ousmane Guèye.Ce dernier, par une note en date du 20 avril 2017 demande à Papa Ndiaye Sall de libérer le logement de fonction. Dans une lettre intitulée « Libération d’un logement de fonction » portant la référence 40012/Asecna/DGRP/SE/IGC du 08 février 2018, il écrit ceci : « Par lettre visée en référence, le Réprésentant de l’ASECNA au Sénégal a bien voulu affecter le logement 100/DK/BH013/101 (4/3) situé à la Cité Aéroport international Léopold Sédar Senghor à Monsieur Jean Valentin Coly. N’étant plus ayant droit, je vous saurais gré de bien vouloir libérer le logement en question pour permettre à Monsieur Coly d’en jouir »
. … et le Tribunal de Grande Instance de Dakar désavoue… la Cour d’Appel
Ce qui est spectaculaire dans cette affaire, c’est la nouvelle décision de droit prise par le Tribunal de Grande Instance hors classe de Dakar en date du 18/09/2017 donnant raison à l’ASECNA qui avait été déboutée par le juge des référés et la Cour d’Appel. Plutôt, ces instances s’étaient déclarées incompétentes. Le TGI de Dakar soulève à l’appui de sa décision, des circonstances nouvelles résultant du fait que l’agent des douanes a été admis à faire valoir ses droits à la retraite et aussi de la notification de libération du logement fait par l’ex Dg des Douanes Papa Ousmane Guèye à l’endroit de Papa Ndiaye Sall. Ce qui fait que la demande de l’ASECNA est jugée recevable par le TGI de Dakar. Ce dernier note dans sa décision qu’ « attendu qu’il résulte de l’accord bilatéral en matière domaniale conclu le 29 mars 1974 à Paris entre la France et le Sénégal que les logements n*4/1 et 4/3 de la cité Batterie de Yoff sont partie intégrante des « immeubles transférés en pleine propriété par la République française à la République du Sénégal et laissés à la disposition de l’ASECNA. Qu’en l’espèce, il est constant d’une part qu’en vertu de cet accord, l’ASECNA a permis à l’Administration des Douanes d’occuper ledit immeuble ; Que d’autre part, il n’est pas contesté que le défendeur qui était agent de ladite administration, a été admis à faire valoirses droits à la retraite,ce qui lui a fait perdre tout droit ou titre de demeurer dans le logement ; Que cela est, du reste, corroboré par la correspondance du Dg des Douanes qui a rappelé sa perte de qualité d’ayant droit, en lui demandant de quitter les lieux ; Que son maintien dans l’immeuble constitue, dèslors, un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre fin ; Qu’il échet dès lors, d’ordonner l’expulsion de Papa Ndiaye Sall des logements n*4/1 et 4/3 de la cité Batterie de Yoff».
Un imbroglio foncier et immobilier de LSS
La bataille juridique entre l’ex agent des Douanes et l’Asecna montre le grand imbroglio foncier et immobilier de l’Aéroport Léopold Sédar Senghor. La prétention affichée par l’ASECNA sur la cité Batterie qui a été à la base de l’expulsion de l’ex agent des Douanes est basée sur l’accord du 29 mars 1974. L’art 6 dudit accord indiquait que « la République du Sénégal s’est engagée à maintenir à la disposition de l’ASECNA la totalité desimmeublesfigurant à son annexe IV, y compris 110 appartements et studios, 7 chambres de passage et terrains de sport situés à l’Aérodrome de Dakar Yoff « La Batterie » ; Que cet engagement de mise à disposition ne saurait valoir un transfert de propriété à l’ASECNA et que l’Etat du Sénégal demeure toujours propriétaire des lieux ». D’ailleurs dans une contribution intitulée « Réflexion sur le patrimoine foncier de l’aéroport de Dakar-Yoff » parue dans le Témoin Hebdo du 07 mars 2013, Djibril Birasse Ba cadre aéronautique et juriste en droit écrivait que « …dans le PV en date du 09 mai 1964 portant régularisation de la mise à la disposition de l’ASECNA d’immeubles appartenant à l’Etat français au Sénégal et qui fait référence à l’Accord domanial franco-sénégalais en date du 18 septembre 1962, il est bien précisé à l’article 2 que « cette mise à disposition ne confère qu’un simple droit de jouissance à l’Agence et que cette dernière s’engage donc à restituer à l’Etat français les immeubles en cause dans le cas où elle viendrait à être dissoute, à cesserson activité au Sénégal ou à ne plus avoir l’emploi de certains bâtiments et terrains, la restitution étant, en pareille hypothèse limitée aux seuls immeubles qui lui seraient devenus inutiles ». Certainement assise sur une telle conviction, la direction des Aéroports du Sénégal (ADS) dirigée par Pape Mael Diop qui a fini de faire un audit portant sur l’état des lieux général et actualisé des biens immobiliers et mobiliers mis à la disposition de l’ASECNA, selon nos confrères de « Source A » du lundi 05 mars, menacerait d’expulser les cadres de l’Agence des logements qu’ils occupent depuis une dizaine d’années. Ces cadres qui s’opposent à une telle décision brandissent une autorisation d’occuper ces terrains situés aux Almadies signée par l’ancien DG de l’ASECNA, Ousmane Issoufou Oubandawaki.
L’Agence du patrimoine bati de l’Etat interpelle les Impôts et domaines
Cet imbroglio foncier a amené le Directeur général de l’Agence du patrimoine bâti de l’Etat (AGPBE), M. Abdou Karim Fofana, à interpeler, le 20 novembre 2017, le DG des Impôts et des Domaines Cheikh Ahmed Tidiane Ba sur « les immeubles contrôlés par l’ASECNA et les autres services aéroportuaires ». « L’Etat du Sénégal a toujoursfait montre d’une grande hospitalité à l’égard des institutions internationales évoluant sur son sol. C’est dans cet esprit qu’un accord en matière domaniale a été signé entre la France et le Sénégal le 29 mars 1974 pour transférer des immeubles qui appartiennent à la France à l’Etat du Sénégal qui à son tour les a mis à la disposition de l’ASECNA. Toutefois une telle mise à disposition est assortie de conditions parmi lesquelles, l’exclusivité d’utilisation du patrimoine immobilier pour les besoins de l’activité aéroportuaire. Le transfert imminent de l’aéroport de Dakar vers celui de Diass(fait le 07 décembre 2017), fait apparaître la nécessité de recenser et d’éclaircir la situation juridique des logements administratifs occupés par le personnel de l’ASECNA et des services aé- roportuaires, pourune éventuelle réintégration dans le patrimoine de l’Etat » écrit Abdou Karim Fofana. On attend de connaître la suite…
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