Faire progresser le droit humain à une alimentation adéquate
Photo: ©FAO/Nozim Kalandarov
Les participants à la conférence sur les stratégies de lutte contre la faim sont convenus que la paix était une condition préalable à l'élimination de la faim. Après avoir souligné la nécessité de transformer les systèmes alimentaires et de développer des approches plus inclusives, ils ont discuté des réalisations ainsi que des obstacles et des défis à surmonter dans la lutte contre la faim.
L’édition de cette année de la Conférence sur les stratégies de lutte contre la faim (Policies against Hunger Conference), qui s'est tenue à Berlin, en Allemagne, et en ligne, les 4 et 5 juin 2024, était consacrée au thème Vingt ans d'action : Faire progresser le droit humain à une alimentation adéquate, en référence au 20e anniversaire de l’adoption des Directives volontaires à l'appui de la concrétisation progressive du droit à l'alimentation dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale (Right to Food Guidelines).
La conférence était organisée par le ministère fédéral allemand de l'Alimentation et de l'Agriculture (BMEL). Environ 200 participants de 38 pays se sont réunis pour discuter ensemble des succès et des défis liés à la réalisation du droit à l'alimentation.
« Nous devons unir nos forces », a déclaré Cem Özdemir, ministre fédéral allemand de l'Alimentation et de l'Agriculture, lors de l'ouverture de la conférence. Le changement climatique, les conflits et les guerres mettent en péril le droit à l'alimentation. La faim est en augmentation et le deuxième objectif de développement durable (ODD 2) - Éliminer la faim d'ici à 2030 - est loin d'être atteint.
Lutter à la fois contre le changement climatique et la faim
Huit pour cent de la population mondiale souffriront probablement de la faim en 2040, selon Maurizio Martina, de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). M. Martina a souligné que, souvent, la lutte contre le changement climatique et la faim n'allaient pas de pair.
« Nous devons nous assurer que les deux objectifs sont pris en compte. La lutte contre la faim est indissociable de la lutte contre le changement climatique », a-t-il déclaré. La communauté mondiale doit faire davantage pour lutter contre l'impact des dérèglements climatiques, en particulier sur les communautés rurales.
Droit à l'alimentation en temps de guerre
« Nous ne pouvons pas lier l'aide humanitaire à l'action politique », a déclaré Jochen Flasbarth, secrétaire d'État au ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ). « Nous devons rester engagés, même avec des pays comme l'Afghanistan dont les gouvernements n’ont pas de légitimité ».
« Le droit à l'alimentation reste primordial, qu'il y ait ou non un conflit », a ajouté Nosipho Nausca-Jean Jezile, présidente du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA). Le CSA a adopté en 2004 les Directives volontaires à l'appui de la concrétisation progressive du droit à l'alimentation dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, qui lui servent aujourd'hui de fondement. Jezile a évoqué la situation dramatique à Gaza et au Soudan, où l'accès à la nourriture a été compromis, tout comme l'accès à la production de nourriture ou encore à la préparation des aliments.
Se concentrer sur les zones rurales
Soixante-quinze pour cent des personnes extrêmement pauvres vivent dans des zones rurales et nombre d'entre elles sont des petits exploitants agricoles. « Ils ont besoin d'aide », a insisté Shantanu Mathur, conseiller principal pour l'engagement mondial et les relations multilatérales au Fonds international de développement agricole (FIDA), qui a souligné que le développement à long terme était extrêmement important dans la lutte contre la faim. Les petits agriculteurs contribuent à hauteur d’un tiers à la production alimentaire mondiale. Ils doivent avoir accès aux technologies agricoles.
Cinquante millions de personnes vivent dans l'insécurité alimentaire au Sahel, alors que des millions d'hectares de terres se dégradent et sont perdus chaque année dans la région. La dépendance à l'égard des importations de denrées alimentaires est élevée, a indiqué Margot Van der Velden, directrice régionale du Programme alimentaire mondial (PAM) pour l'Afrique de l'Ouest. Elle a cité quatre points essentiels pour lutter contre l'insécurité alimentaire : l'aide alimentaire (qu'il a souvent été difficile de maintenir), les investissements dans des programmes de résilience à grande échelle (axés sur les sols qui sont la base de la production alimentaire, à l’instar de l'initiative « Muraille verte »), l'achat de denrées alimentaires produites dans le pays et les programmes de protection sociale.
Le cas du Brésil
L'exemple du Brésil a montré à quoi peut ressembler une lutte efficace contre la faim. Valéria Burity, secrétaire d'État spéciale chargée de la coordination du programme brésilien « Faim zéro » au sein du ministère brésilien du Développement social (MDS), en a rendu compte.
Avec son programme Fome Zero (Faim zéro), fondé par le président Luiz Inácio Lula da Silva en 2003, le Brésil a fait de la lutte contre la faim et l'extrême pauvreté une mission gouvernementale. Depuis lors, il a remporté des succès remarquables dans ce domaine.
En s’appuyant sur l'exemple du Conseil brésilien pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle (CONSEA), la professeure Elisabetta Recine, présidente du CONSEA, a montré comment la participation peut être fructueuse. Créé en 2003, le Conseil a été établi au niveau du président de la République, son objectif étant de conseiller le président. Il fait partie d'un système politique national.
Le CONSEA, composé pour un tiers de représentants du gouvernement (24 ministères) et pour deux tiers de représentants de la société civile (organisations d'agriculteurs, défenseurs des droits humains, etc.), regroupe les différents aspects de la sécurité alimentaire et fait le lien entre la société civile et le gouvernement. Son président doit toujours être un représentant de la société civile.
Des armes aux fermes
Présentant le projet « Des armes aux fermes », le journaliste et producteur de films Bernward Geier a montré comment les conflits et la faim peuvent être combattus simultanément.
Après des décennies de guerre civile entre les rebelles islamiques et les troupes gouvernementales, le maire Rommel Arnado a réussi à pacifier sa ville de Kauswagan, aux Philippines. Au total, 24 000 personnes de confession musulmane ou chrétienne vivent à Kauswagan et dans les 13 villages qui la composent.
Rommel a réussi à obtenir de quelques milliers de combattants qu'ils échangent leurs armes contre des terres et une formation à l'agriculture biologique. Geier rapporte qu'à ce jour, 4 000 soldats ont rendu leurs armes et se sont lancés dans l'agriculture biologique. Une école d'agriculture biologique a également été créée dans la région. La sécurité alimentaire de la population est désormais assurée et la région est presque exempte de violence.
Des repas scolaires pour la sécurité alimentaire
Les repas scolaires peuvent apporter une contribution importante à la sécurité alimentaire. Les participants à la conférence ont discuté des éléments à prendre en compte pour une mise en œuvre durable et judicieuse.
« Les repas scolaires sont un moyen aisé d'améliorer les taux de scolarisation et d’avoir des régimes alimentaires sains », a déclaré Fatima Hachem, spécialiste principale de la nutrition à la Division de la nutrition et des systèmes alimentaires de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Ils contribuent à ce que les enfants grandissent et deviennent des adultes éduqués et forts, affirme Mme Hachem qui, toutefois, souligne également que les repas scolaires peuvent avoir un impact négatif sur la nutrition parce qu'ils ne répondent pas toujours aux exigences d'une alimentation saine.
Afin de développer des concepts raisonnables pour les repas scolaires, il est important d'adapter les volumes de nourriture aux besoins des différents groupes d'âge et de veiller à une teneur équilibrée en nutriments. En outre, pour soutenir les communautés locales, il convient d'utiliser des produits locaux. La production alimentaire doit être responsable et durable.
La participation est importante
« Nous devons être à l’écoute des personnes les plus durement touchées par la pauvreté et l'insécurité alimentaire », a déclaré Claudia Müller, secrétaire d'État parlementaire au ministère fédéral allemand de l'Alimentation et de l'Agriculture (BMEL) dans ses remarques finales, dans lesquelles elle a souligné que le BMEL cherchait à utiliser les Directives volontaires à l'appui de la concrétisation progressive du droit à l'alimentation dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale comme concept directeur pour ses activités de soutien aux petits exploitants. Selon elle, la transformation des systèmes alimentaires ne peut fonctionner que si l'on se concentre sur les structures locales.
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